Le bel idéal olympique est une chose, la réalité en est une autre. Le prestige de la victoire, mais aussi les enjeux politiques et financiers sont tels que tous les moyens peuvent être bons pour se l’offrir. Faut-il dès lors s’étonner de voir un cycliste britannique mal parti simuler une chute pour octroyer à son équipe un nouveau départ ? Que dire aussi de ces deux Chinoises, championnes de Badminton subitement dans l’impossibilité de faire franchir le filet à leur volant ? De la même manière, les joueurs de basketball espagnols ne disputèrent pas réellement leur chance face à l’équipe brésilienne pour éviter de rencontrer en quart de final celle des Etats-Unis, archi favorite du tournoi.
Rien de bien ordinaire, me direz-vous. Qui n’a jamais cherché à pousser les règles jusque dans leur dernier retranchement, voire à les contourner, pour atteindre ses objectifs ? Ce qui serait toléré dans la vie professionnelle ou quotidienne, ne pourrait l’être dans une compétition sportive ? Oui, mais voilà, il ne s’agit pas d’une épreuve comme les autres, mais bien des jeux olympiques, l’événement sportif le plus important au monde : celui où les athlètes prêtent un serment de loyauté vis-à-vis de leurs adversaires et s’engagent notamment à ne pas tricher. Foutaise tout cela ! Du spectacle pour les gogos noyé dans une cérémonie d’ouverture toujours plus spectaculaire ?
Après quatre années de préparation intensive, de sacrifices quotidiens, de corps martyrisés par des entraînements hors normes, comment demander à un athlète d’accepter sereinement la défaite quand il pouvait entrevoir la victoire. La professionnalisation des jeux accroît encore un peu plus la pression et les sponsors ne sont pas les derniers à réclamer leur retour sur investissement. Sans compter, les besoins financiers de certaines fédérations sportives internationales, à l’exemple de la boxe, qui favorisent dans les épreuves où les juges décident du vainqueur, les athlètes des pays qui paient bien. Le boxeur français Alexis Vastine vient d’en faire les frais en quart de finale contre le champion du monde ukrainien, Taras Shelestyuk.
Le dopage, dont personne curieusement ne parle en dépit de nombreux cas avérés avant et pendant les épreuves olympiques, fait aussi partie intégrante de la panoplie du champion. Il n’y a pas que le cyclisme qui paie un lourd tribut aux efforts surhumains. L’athlétisme, le tennis, l’haltérophilie, la natation, la marche, le football et bien d’autres sports, sont aussi concernés. Chaque jour fournit son lot de dopés olympiques. Mais à ce stade est-ce encore de la tricherie ? On en est à penser, à l’instar de Yannick Noah, qu’il faudrait légaliser la prise de produits dopant tant il est hypocrite de vouloir demander toujours plus de records tout en refusant de voir comment ils sont réellement obtenus. A moins de mettre un terme au culte de la performance et de l’argent, la lutte contre le dopage est sans issue.
On peut toujours se consoler en affirmant au regard de l’histoire que les jeux olympiques ont toujours rimé avec tricherie. Dans la Grèce ancienne, la fraude était monnaie courante : nombre d’athlètes tentaient des faux départs, essayaient d’aveugler leurs adversaires, les tuaient parfois quand ils ne s’adonnaient pas à la corruption. En – 338, Eupôlos de Thessalie achète ses trois concurrents à la boxe, dont Phormion d’Halicarnasse, le précédent vainqueur. Callipos l’Athénien fait de même au pentathlon de la 112e olympiade. Au IIe siècle, Philostrate se désole : « Le sport aujourd’hui a tellement laissé dégénérer l’athlétisme qu’il est pénible, pour qui l’apprécie, de voir les sportifs. L’état de bombance où ils vivent fait naître chez eux mille convoitises illicites et les amène à acheter leur victoire ».
Si au IIe siècle de notre ère le sport n’est déjà plus ce qu’il était, les jeux olympiques, eux, restent fidèles à la tradition !
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