Les premières grèves enseignantes depuis le changement de gouvernement rappellent que si l’éducation est une priorité du Président de la République, cette dernière doit être menée dans un dialogue accru avec celles et ceux qui chaque jour œuvrent pour la réussite de nos enfants.
Les professeurs des écoles exercent un métier difficile. Ils sont souvent aux avant-postes de l’intégration sociale et doivent gérer dans la classe et hors la classe des situations parfois d’une grande complexité. Ils s’en acquittent la plupart du temps avec un vrai professionnalisme et beaucoup de cœur.
Aussi est-il particulièrement mal venu d’entendre un ancien conseiller du ministre qui a voulu copiner avec les syndicats quand il était en fonction, nous expliquer, une fois débarqué de son propre gré, qu’il avait été frappé par leur corporatisme.
De la même manière, la petite musique, entonnée par l’entourage du ministre et reprise dans les médias, sur l’égoïsme des enseignants qui refusent de bousculer leurs habitudes au détriment de la réussite des élèves est insupportable en regard des faits.
Les nantis font plutôt triste mine. S’il est évident que les professeurs des écoles ne travailleront pas au-delà de leurs heures statutaires (24h + 3h) sans être payés en conséquence, les salaires restent particulièrement bas. Recrutés à Bac + 5, ils perçoivent 1660 euros par mois en débutant et 2 132 euros au bout de 15 ans.
Est-il besoin de rappeler que les professeurs des écoles français sont parmi les moins bien payés en Europe ?
Ce n’est pourtant pas ce faible niveau de rémunération qui suscite leur courroux, mais le manque de reconnaissance dont ils ont été depuis des années les victimes. Présenter aujourd’hui les professeurs des écoles comme une corporation recroquevillée sur elle-même est, non seulement insultant, mais faux !
Depuis plus de dix ans, ils sont entrés dans l’air du numérique, ont changé leurs méthodes pédagogiques, se sont constamment adaptés à de nouveaux programmes tous plus mal ficelés les uns que les autres et cela, la plupart du temps, sans formation continue spécifique. Ils ont même dû investir en matériel informatique sur leurs deniers personnels !
Faut-il ajouter que quand toute la société tangue dans la tempête et que le navire prend l’eau, c’est à l’école que l’on écope ? Ce sont ces enseignants, dont on dénonce le corporatisme, réduits par la RGPP à la portion congrue, qui continuent au prix d’un investissement humain incomparable à maintenir le cap.
Après tout on peut se demander, quand on voit aussi les difficultés que posera aux collectivités territoriales cette nouvelle organisation des rythmes scolaires, s’il ne fallait pas prendre un peu plus de temps pour mieux penser l’affaire.
Ainsi est-ce tout le projet, ô combien nécessaire, de la refondation de l’école de la République qui risque aujourd’hui d’en pâtir.
Nous pouvons évidemment comprendre le dépit éprouvé par le ministre et le gouvernement qui pensaient faire la quasi unanimité chez les enseignants et dans l’opinion publique par leurs propositions. Ils apprennent aujourd’hui que de redonner des moyens en postes ne suffit pas forcément pour acheter la paix scolaire et dérouler, sans un dialogue social de qualité, ses réformes.
Gouverner est un art compliqué, tout autant qu’enseigner !
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