L’annulation par la Cour de cassation du licenciement d’une employée voilée de la crèche Baby-Loup de Chanteloup-les-Vignes a relancé le débat sur la laïcité.
Le jugement, à peine connu, de nombreuses voix se sont élevées pour s’en inquiéter, dire leur incompréhension, voire le condamner. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, n’a pas fait dans la nuance en affirmant qu’il s’agissait là d’un recul de la laïcité. L’UMP, qui n’a pas renoncé à faire de la politique avec l’islam, a même déposé dès jeudi à l’Assemblée nationale une proposition de loi sur la neutralité religieuse dans les entreprises et les associations. Lors de son entretien à France 2, le Président de la République a dit vouloir lui aussi emprunter la voie législative. Est-il certain qu’une loi de plus soit nécessaire pour garantir la laïcité dans le privé ? Le cas Baby-Loup est-il aussi indiqué que cela pour se tourner séance tenante vers le Parlement et enjoindre la représentation nationale à légiférer ?
Nous pouvons en douter quand on connaît le fond d’une affaire qui débute par un banal litige entre la directrice de la crèche et une salariée qui voulait ne pas reprendre son travail après cinq ans de congé parental. Le conflit s’envenime alors sur le port du voile qui devient un prétexte pour licencier « pour faute grave » l’employée. Le problème, c’est que la loi donne déjà, même dans le privé, la possibilité de limiter le port du voile lorsque cela peut entraver le travail et donner un sentiment de partialité dans la mission. C’est ce qu’on appelle en droit « la nature de la tâche ». Dans ce cas particulier, il était donc tout à fait possible d’empêcher cette employée de porter son voile sans que cette décision ne débouche sur une affaire d’Etat. Il suffisait que cela soit spécifié et expliqué dans le règlement intérieur de l’établissement. La cour de cassation aurait alors donné droit à Baby-Loup et confirmé le licenciement de cette personne.
Dans son jugement la Cour de cassation ne dit pas que l’on peut travailler avec un foulard quand on est puéricultrice dans une crèche privée. Elle ne fait que rappeler le droit en expliquant que lorsqu’on limite une liberté individuelle, cela doit être justifié par rapport à la nature de la tâche et proportionné au but recherché. Elle est dans son rôle en protégeant ainsi une salariée qui ne peut être tenue responsable de l’incompétence juridique de son employeur et de l’avocat de ce dernier. Il semble que les leçons seront prestement tirées du côté de Baby-Loup et des autres établissements qui pourraient se trouver dans cette situation.
On peut donc, au lieu de critiquer la décision de la Cour de cassation, la remercier pour la clairvoyance de son jugement. Sauf à vouloir interdire toute forme d’établissement à vocation confessionnelle dans le domaine de la petite enfance, et là c’est un autre débat, légiférer est bien inutile à mon sens. L’emballement politique et médiatique que nous vivons en ce moment sur ce sujet en dit long sur l’état de notre République. Que les intellectuels prompts à pétitionner s’interrogent sur la déliquescence de nos institutions républicaines, regardent notre société telle qu’elle est et mettent plutôt leur énergie dans la lutte contre la relégation sociale d’une partie de la population.
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