La République exemplaire voulue par François Hollande s’installe. Le plus étonnant, c’est que l’on puisse s’étonner de demander à un ministre, comme l’exige la charte de déontologie : solidarité, transparence, impartialité, disponibilité et intégrité. Il faut que notre République soit bien malade pour que cela suscite tant de commentaires.
Suffit-il pour autant de signer des chartes pour être plus vertueux ? Evidemment non. Depuis au moins cinq ans, les candidats socialistes aux élections locales et nationales s’engagent à faire honneur à leur mandat, pourtant l’actualité de ces dernières années n’est pas exempte de dérapages dans leurs rangs.
Il n’en est pas moins normal que l’on exige d’un élu ou d’un ministre un comportement irréprochable dans la mesure où il n’engage pas seulement sa personne, mais l’institution et les citoyens qu’il représente. Aussi François Hollande a-t-il eu raison de faire de la République exemplaire un thème central de sa campagne électorale. Au pays où les dirigeants se croient souvent au dessus des lois, il n’est pas inutile de rappeler que la République enseigne que la loi est la même pour tous.
La difficulté consiste aujourd’hui pour le Président de passer de la promesse électorale à son application. Des décennies de dérive nous contemplent et rendent l’exercice particulièrement périlleux lorsqu’une opposition sourcilleuse, mais qui est dans son rôle, traque le moindre faux pas.
Ne pas vouloir s’entourer de personnes condamnées, comme a pu l’affirmer François Hollande au JDD pendant la campagne présidentielle, peut à première vue paraître souhaitable à qui défend le principe d’une moralisation de la vie politique. Pourtant, le propos pris au pied de la lettre n’est pas dénué d’une certaine ambigüité. Deux exemples sont là pour le rappeler.
Le premier concerne Jean-Marc Ayrault qui avait été condamné en 1997 dans l’exercice de son mandat de maire à six mois de prison avec sursis et 30 000 francs d’amende, mais qui a bénéficié, en conformité avec la loi, d’une mesure de réhabilitation en 2007. Le second touche Arnaud Montebourg, condamné à l’euro symbolique et à régler les frais de justice pour avoir traité les dirigeants de SeaFrance d’escrocs.
Si l’on s’en tient stricto sensu aux propos de François Hollande, Jean-Marc Ayrault n’aurait jamais dû être nommé Premier ministre et Arnaud Montebourg aurait déjà dû remettre sa démission. On constate que dans les deux cas la dérogation l’a emporté sur la règle, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Toutes les condamnations ne se valent pas. Il est évident que François Hollande entendait par « condamnés », ceux ou celles qui l’avaient été pour abus de biens sociaux, détournements de fonds, enrichissement personnel.
Mais faute de l’avoir précisé, il s’expose à se voir opposé par ses adversaires tout au long de son mandat des propos tenus un peu rapidement. Le fameux « principe de réalité » une fois au pouvoir viendrait ainsi polluer les élans vertueux de la campagne. La moindre infraction d’un ministre du gouvernement au code de la route pourrait déclencher séance tenante des appels à sa démission. Pourtant l’exagération de l’adversaire porte en elle son propre désarroi politique et justifie paradoxalement les décisions prises par le Président de la République.
En effet, ce que ne semble pas comprendre l’opposition, c’est qu’il y a parmi nos concitoyens une forte demande de moralisation de la vie publique, mais en pinaillant sur l’accessoire les leaders de l’UMP se privent de tirer les enseignements de la défaite de Nicolas Sarkozy et s’exposent à une punition bien plus importante encore aux élections législatives que ne le laissent entendre les sondages aujourd’hui.
Il suffit de voir l’impact qu’ont eu dans l’opinion publique les premières mesures prises par François Hollande et Jean-Marc Ayrault. La baise de 30% de la rémunération du Président de la République et des ministres, la fin du cumul d’une fonction ministérielle avec un mandat dans un exécutif local, la parité intégrale au gouvernement ont séduit plus d’un Français.
Des symboles, me direz-vous ? Peut-être. Mais au cœur d’une crise qui est tout autant morale qu’économique ou financière, ils comptent. L’état de grâce, que les observateurs politiques disaient dans un unanimisme troublant ne pas constater, est bel et bien là. Il aura juste mis un peu plus de temps que d’habitude à se manifester : le temps que les Français jugent sur pièces les premiers signaux envoyés par le Président et le gouvernement.
Une présidence « normale » ne va pas de soi quand depuis l’origine de la Ve République l’exception fut la règle !
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