Sous la Ve République, la diplomatie française a toujours été dirigée de l’Elysée. Selon la célèbre formule attribuée à Jacques Chaban-Delmas au début des années soixante : les affaires étrangères appartiennent au « domaine réservé » du chef de l’Etat. A partir du milieu des années quatre-vingt, les cohabitations successives n’ont fait qu’entériner et renforcer cet état de fait. François Mitterrand et Jacques Chirac, sans majorité à l’Assemblée nationale, n’ont jamais abandonné cette prérogative. Il n’y avait donc aucune raison que cela change en 2007 avec l’élection de Nicolas Sarkozy.
Dans une parfaite continuité historique, ce dernier misait d’ailleurs sur les affaires internationales pour se refaire une popularité dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012. Il allait pouvoir parader dans les différentes réunions du G20 et ainsi renforcer son image d’homme qui avait en 2008 sauvé la planète financière de la crise la plus grave depuis les années trente. Et cela personne ne pourrait le lui contester. Il était dans son rôle à la pointe de la diplomatie française. Mais voilà que le peuple tunisien décide de se débarrasser de son dictateur et qu’une partie du monde arabe lui emboîte le pas.
L’incompréhension est totale à l’Elysée et la France reste à quai. Pis, dans un premier temps, la présidence parie sur le maintien de Ben Ali en Tunisie ; la ministre des Affaires étrangères va jusqu’à lui proposer les services de la police française pour maintenir l’ordre. « On ne s’improvise pas diplomate » s’écrie, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, le groupe Marly. Ce dernier, constitué de diplomates français de toutes générations et de tous bords politiques, fait plus que pointer l’incompétence du Président de la République, il dénonce une dérive élyséenne qui ne tenait plus compte des analyses effectuées par les différentes ambassades françaises.
La diplomatie du coup de menton, des effets d’annonce, des postures compassionnelles dessinent une politique incohérente et souvent contradictoire. La France semble aujourd’hui ne plus avoir prise sur rien : « l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, La Chine nous a domptés et Washington nous ignore », rappelle Marly en enfonçant le clou. Si nous disposons encore, après les Etats-Unis, du deuxième réseau diplomatique au monde, on peut légitimement se demander à quoi il nous sert. Il est vrai que les ambassades et les consulats sont progressivement vidés de leurs fonctionnaires, RGPP oblige !
Par son style, sa méthode ou plutôt son absence de méthode et ses décisions, le Président de la République a contribué à rendre illisible la politique étrangère de la France. Cette dernière a ainsi perdu le peu d’influence qu’elle avait encore depuis son ralliement aux Etats-Unis par notre retour dans l’OTAN. Nous étions hier un allié exigeant, nous sommes aujourd’hui un caniche qu’on ne prend plus la peine de consulter. L’Elysée, muré dans ses certitudes, ne s’est même pas rendu compte que nous sommes en plus devenus la risée du monde. Il est grand temps de changer de cap pour tenter d’enrayer ce déclin diplomatique.
Il nous faut revenir à une diplomatie sereine fondée sur « la cohérence, l’efficacité et une plus grande discrétion ». La première des priorités est de mettre un terme à cette politique faite d’annonces tapageuses toujours démenties quelques mois après. La deuxième est de redonner à notre réseau diplomatique à l’étranger toute sa place dans l’élaboration de la politique extérieure de la France. La troisième est de renouer dans notre approche diplomatique avec des valeurs comme la démocratie, la solidarité, les droits de l’Homme et le respect des cultures.
Après cette séquence catastrophique, c’est à ce prix que la voix de la France peut retrouver dans le monde une certaine audience. Il est hautement improbable que l’actuel Président de la République soit en mesure d’effectuer le rétablissement nécessaire : une raison de plus pour lui signifier son congé en 2012.
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