Le mot peut paraître fort et déplacé. Il n’en est rien quand on se réfère à sa définition. Le Petit Robert affirme qu’une imposture est « l’action de tromper par des discours mensongers, de fausses apparences ». Ce projet de loi, discuté en ce moment au Sénat, n’est que « fausses apparences ».
Il se veut un exercice de simplification et de clarification. Simplification du fameux « millefeuille français » et clarification des compétences des collectivités territoriales. On s’attendrait donc à voir disparaître des niveaux administratifs. Regroupement des communes, suppression des départements, fin des syndicats intercommunaux en tout genre. En fait, il n’en est rien. Tout au long de ses quarante articles, le texte se détourne de la simplification et de la clarification annoncées au départ, tandis que la commission des lois du Sénat sous la pression locale revient même sur certains aspects qui, si nous ne partagions pas leur philosophie, avaient au moins le mérite de la clarté : la fixation imposée de la composition du conseil des intercommunalités, le poids déterminant du préfet dans le bouclage des intercommunalité à l’horizon 2014 et la part « significative » qui devait être financée par le maître d’ouvrage en cas de cofinancement d’infrastructures.
En revanche, on conserve le conseiller territorial qui sera à la fois le représentant du département et de la région : deux collectivités au rôle bien différent. La première représente la proximité et a en charge l’action sociale. La seconde, plus stratégique, pense les grands aménagements du territoire. Comment peut-on penser que le même élu pourra ainsi cumuler deux mandats bien différents sans un aménagement de son statut ? En fait, le risque est d’arriver à un affaiblissement de ces deux collectivités territoriales. Certains parlent de « cantonalisation » de la région et d’autres de « régionalisation » du département. Il est évident que nous ne sommes pas dans la simplification et la clarté les plus absolues !
Le mode de scrutin pour élire le conseiller territorial est lui aussi fort contestable. 80% seront élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et 20% au scrutin de liste à la proportionnelle. Là encore, les choses se compliquent plus qu’elles ne se simplifient. Mais surtout, si est maintenu l’élection uninominale à un tour, nous revenons sur la parité et nous favorisons le bipartisme. C’est probablement cela que le gouvernement appelle une « avancée de la démocratie locale » !
Comble de l’ironie, dans ce projet de loi, le « millefeuille » se porte bien ! Il prospère même, puisqu’on lui ajoute des couches à l’exemple de l’apparition des métropoles et des nouvelles villes. Les premières sont définies comme des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) avec les compétences des régions et des départements. Les secondes se veulent le regroupement de villes avec un statut sur le modèle de la loi « PLM » où existeraient des maires délégués comme il existe à Paris, Lyon et Marseille des maires d’arrondissement ! La seule suppression réelle, en l’état du texte aujourd’hui, est le pays, cher à Dominique Voynet. Mais ce dernier n’est pas un échelon administratif !
L’imposture est bien au cœur de ce projet de loi. On affiche en préambule les apparences de la simplification et on propose au fil des articles le contraire. De la même manière, la décentralisation que l’on prétend aussi consolider est en fait remise en cause, tandis que les collectivités territoriales verront freiner leur capacité à investir. Quand on sait qu’elles réalisent aujourd’hui 74% de l’investissement total en France, il y a là, en période de crise et de prétendu plan de relance, pour le moins comme un parfum d’incohérence. A moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’une opération politicienne pour que la droite puisse par la loi reconquérir une part des territoires perdus ces dernières années ! Un cynisme politique à un tel degré serait du jamais vu dans notre pays.
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