Il faut juger les propositions du rapport Balladur à l’aune de la commande officielle formulée lors de l’installation du comité - en l’occurrence, la simplification de la carte administrative du pays - et à celle officieuse, mais bien présente au moins dans l’esprit du Président de la République : la reconquête politique des échelons locaux et régionaux dominés aujourd’hui par la gauche. Force est alors de constater que la France recomposée par le comité Balladur ne répond ni à l’un ni à l’autre.
Le passage de 22 régions métropolitaines à une quinzaine, la création d’un nouvel élu (baptisé conseiller territorial), l’adoption d’un mode de scrutin différent en fonction des territoires ruraux ou urbains pour assurer son élection, le retour à l’ancien département de la Seine avec la fusion de la capitale et de ses départements limitrophes, et pour finir la naissance de huit métropoles, curieuse resucée des métropoles d’équilibres inventées dans les années soixante pour faire contrepoids à Paris, semblent tenir lieu de « big-bang » territorial du pauvre.
Le comité Balladur a tellement eu peur de se voir accuser de partialité politique qu’il a même savamment dosé ces propositions pour ne pas avantager ou désavantager l’un ou l’autre des camps. Le charcutage électoral est certes toujours possible avec la disparition des cantons et la création des nouvelles circonscriptions pour l’élection des conseillers territoriaux, mais il n’est pas a priori contenu dans le texte.
C’est peu dire que les propositions phares du rapport n’apportent pas de réponses originales, encore moins de réponses pertinentes, à la simplification administrative du territoire. Le fameux « millefeuille » administratif sort à peine écorné du travail des onze sages, preuve s’il en fallait du peu de pertinence de cette notion. En effet, la France dispose du même nombre de strates administratives que tous les grands pays européens. Quand au regroupement de certaines régions, au nom du principe de la taille critique européenne à atteindre, il n’est que proposé sur la base du volontariat.
Si le fait régional semble plutôt conforté, à l’exception de l’Ile-de-France, il est difficile de croire que la suppression de 2000 élus par la fusion très imparfaite des conseillers généraux et des conseillers régionaux sur les 500 000 que compte au total notre pays soit une véritable simplification, ni même d’ailleurs une grosse source d’économies. Pire, les doublons administratifs étatiques persistent faute de ne pas avoir voulu aller au bout de la logique de la décentralisation et du partage des compétences.
On peut aussi s’interroger sur le temps exceptionnellement long qu’il a fallu à cette « docte » assemblée pour recycler autant de vieilles lunes. Il y a fort à parier que ce document va faire l’unanimité contre lui et qu’il sera discrètement enterré. A moins que Nicolas Sarkozy ne s’obstine dans la voie d’une réforme territoriale et qu’il fasse pour cela des propositions d’un autre calibre dans les mois qui viennent. Le débat ne ferait alors que débuter.
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