Le projet de loi actuellement débattu à l’Assemblée Nationale ne répond pas à l’urgence du moment. Il risque même de n’être au final d’aucune utilité pour tous ceux qui aujourd’hui attendent un logement décent.
Tout d’abord, il persiste une ambiguïté entre droit au logement et droit à l’hébergement. Tous les articles du texte, à l’exception de l’article 1, emploient ces termes sans distinction particulière. Le risque est donc grand d’apporter une réponse d’hébergement aux personnes sans domicile plutôt qu’un logement. Par exemple, offrir un hébergement à un travailleur pauvre ou à une famille expulsée sans relogement n’est pas une réponse adaptée. L’enjeu pour eux est bien l’accès à un logement. A l’inverse, nous ne résoudrons pas toutes les difficultés des sans-abri en leur offrant un toit, si nécessaire soit-il. Seulement un tiers d’entre eux sont en mesure d’entrer dans un logement et être autonome. Les autres ont besoin d’un suivi social, médical, voire psychiatrique.
Ensuite, le dispositif est conçu sur la distinction entre « éligibilité », « priorité » et « urgence ». L’éligibilité concerne tous les ménages dont les ressources leur permettent de prétendre à un logement social (68% de la population). La priorité est une première restriction aux seules catégories qui pourront saisir la commission de médiation sans attendre le délai anormalement long auquel sont soumis les éligibles. L’urgence est une acception plus restreinte encore et ouvre le droit aux demandes prioritaires considérées comme « urgentes » de bénéficier d’une offre de logement ou relogement immédiate. Cette hiérarchisation des demandes conduit à établir une concurrence insupportable entre modestes, pauvres et très pauvres. On n’agrandit pas la salle de cinéma, on change simplement l’ordre dans la file d’attente.
Enfin, l’opposabilité risque de ne pas être opérante pour au moins trois raisons :
- Lorsque le contingent préfectoral est épuisé, le demandeur aura beau détenir un visa de « demande urgente à satisfaire immédiatement », il n’en sera pas pour autant logé. Les très faibles taux de rotation dans le parc social ne permettront pas, dans les zones les plus tendues, de faire face aux injonctions de loger.
- L’Etat se verra alors condamné par le juge à payer des astreintes. Ces dernières seront versées au FAU. Elles ne répondront en rien aux difficultés de vie des demandeurs, ni ne leur fourniront un complément de revenu qui leur permettrait de se loger dans le parc privé.
- Tant qu’un programme volontariste de construction massive de logements sociaux ne sera pas lancé, le droit au logement – même opposable – ne sera pas effectif.
Il nous faut donc réaffirmer notre attachement à l’article 55 de la loi SRU (20% de logements sociaux) et réorienter l’effort budgétaire de l’Etat vers le logement social. Le droit au logement opposable défendu par la gauche est un droit effectif et universel. Il n’est ni l’un ni l’autre dans le projet de loi du gouvernement.
N’oublions pas que les mêmes qui défendent aujourd’hui ce projet étaient, il y a quelques mois, hostiles au droit opposable que les socialistes avaient essayé d’introduire dans la loi par amendements. A l’approche de l’élection présidentielle et face à l’émotion suscitée par l’action des Enfants de Don Quichotte, ils s’affichent dans les média pour le droit au logement opposable et à l’Assemblée Nationale font tout pour qu’il ne puisse jamais être réellement appliqué.
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